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2001 – 2021

Vingt ans de Belle Plaisance

C’est en effet en 2001 que le Yacht Club de l’Odet organise le 1er « Rendez-vous de la Belle Plaisance ».

Objectif : Faire naviguer et régater les voiliers classiques qui ont fait les belles années du yachting. Au-delà du plaisir des yeux, faire naviguer ces bateaux construits de façon artisanale, généralement en bois, d’avant l’industrialisation du nautisme à la fin des années 60, c’est aussi susciter leur entretien, leur restauration et participer ainsi à la préservation du patrimoine plaisancier*.C’est aussi une bonne façon de les faire naviguer en Atlantique, dans les eaux qui les ont vus naître et pour lesquels ils ont été conçus.

Dès le premier Rendez-vous organisé en 2001 l’objectif semble atteint comme le relate l’article paru dans le Chasse-Marée à l’issue du premier rassemblement.

Vendredi 22 juin après-midi, c’est l’effervescence sur les pontons de Bénodet. Piaffant d’impatience, les trente-sept équipages du premier Rendez-vous de la Belle Plaisance organisé par le Yacht Club de l’Odet dans l’estuaire de la rivière bretonne se préparent à la manœuvre. La remontée de l’Odet - petit échauffement avant les régates en baie du week-end – ouvre le programme. Pour rejoindre la cale de Pors-Meillou, en aval de Quimper, deux à trois petites heures vont être nécessaires. Les rives de l’Odet ont vu défiler des centaines de yachts classiques depuis la fin du XIXème siècle. Bénodet a accueilli les participants aux courses du RORC et de l’UNCL, et les rassemblements de 5,5 m JI, 6 m JI, 8 mJI, Snipe, Dragon, Requin… Aujourd’hui, Bénodet tend à redevenir une escale privilégiée pour le yachting classique. Le blason de la commune, d’ailleurs, représente un yacht évolunt sous spinnaker, la harpe de sainte Brigitte et une hermine au centre de la toile. En 1998, une douzaine de plans Fife avait répondu à l’invitation du centenaire de Pen Duick. L’an dernier, ce sont les plans Stephens qui se faisaient admirer.

Dans le sillage d’une longue tradition cette « échappée classique » s’est donc imposée comme une évidence ; gageons que son avenir est d’ores et déjà assuré.

Le temps de hisser toute sa toile, le nez au vent, et Pen Duick ouvre la marche. Une fois dépassé le mouillage des Anglais puis son poste d’amarrage, le cotre enchaine les empannages, suivant les Virecourts, ces méandres à angle droit de l’Odet, en restant dans le lit principal du courant. Le prince connaît son domaine. Tentant de le rattraper, les voiliers défilent l’un derrière l’autre, devant les rives légendaires : la Fontaine-aux-Espagnols, le Saut-de-la-Pucelle, la Chaise-de-l ’Evêque… Le superbe 10m JI Pesa, dessiné par Max Oertz en 1911, la précieuse Viola, plan William Fife de 1908, sont suivis d’élégants yachts de plus de 15 mètres tels Oiseau de Feu, créé par Nicholson en 1937, Mélusine II, plan Illingworth de 1959, ou encore Swerver II, dessiné par Stephens et récemment restauré aux Pays-Bas. Des bateaux de jauge les suivent, Clyde, 6 m JI de 1955, Pen Kaled, 5,5 m JI, et deux 4 m JI, évènement rare vu que seules 19 unités de ce type ont été construites au monde, dont Annette, un plan Knud Reimers à Francis Van de Welde, et Soege, dernier né de la série en 1943.


Au retour, dans le coucher du soleil, Jacqueline Tabarly, tranquillement assise sur le petit ponton installé par Éric au pied de leur propriété, salue de la main les équipages.

Des bateaux connus et méconnus

Le lendemain place à la régate. Petit temps entre la Voleuse et l’île aux Moutons. A la surprise générale, au fil des manches les voiliers de course croisière des années soixante - comme Pen Duick II ou Pen Duick V – se sont fait chiper la victoire par des unités bien plus anciennes. C’est en effet Delfina III, mené par Ranieri Fornari, ambassadeur d’Italie à Abou Dhabi, qui remporte la première place au classement général. Ce Knarr de 9,15 mètres de longueur et construit en 1943 par le chantier Borensen est l’un des plus beaux yachts de la flotte danoise, aux dires de son propriétaire. « Je l’ai trouvé l’année dernière, à Copenhague. J’ai marié ma fille à un Danois, et je suis revenu avec ce bateau ! ». Forte de quatre cent cinquante exemplaires, cette série a connu un beau succès, s’épanouissant notamment aux Etats-Unis, où l’on compte cinquante unités en baie de San-Francisco.

Derrière lui, Tiger Rag, un plan Sergent de 1947, restauré par Pierre Daburon après l’avoir sorti de l’eau du canal de Ouistreham à Caen. Ce petit croiseur a réussi à remonter ses adversaires, spi rouge tête. « La philosophie de de la Belle Plaisance, précise François Frey du musée maritime de La Rochelle, est de permettre à chaque bateau, même les plus petits, de gagner une course, afin d’encourager les propriétaires à naviguer.                                                                      

 La victoire revient alors aux meilleurs équipages ». Comme celui de Kraken II, qui remporte la troisième place de cette épreuve du Challenge Classique. A bord, Bertrand Kerrand, son fils de seize ans, Damien, et son père Louis, quatre-vingts ans. Ce plan Dervin de 1950 a fait ses preuves en gagnant de nombreuses courses du RORC, sous l’autorité de Jean Donval jusqu’en 1967. A l’époque Louis Kerrand était équipier à bord, et quand il reconnut, des années plus tard, le voilier à l’abandon, il décida de le réarmer pour la course. « Maintenant, je laisse la place aux jeunes », commente-il observant son équipage d’un œil ému.

En plissant des yeux, on pouvait repérer des Cormoran, Tofinou, et autres Joli Morgann se faufiler entre les grands. Une dizaine de day-boats de moins de 7 mètres inspirés de l’esprit Belle Plaisance construits depuis les années 1990 s’étaient en effet inscrits. Petit cotre de la baie de Morlaix ou élégant quillard de l’Île de Ré, à la coque en polyester, ils allient le pont en teck et l’acajou à un accastillage moderne. De son côté, le Seabird, également présent, témoigne d’une recherche d’authenticité en dépit de son échelle réduite par rapport au modèle reproduit. Pour construire ce « nouveau plan Fife », mis à l’eau l’année dernière, Hubert Stagnol est aller se plonger dans les archives du chantier écossais. Il s’est arrêté devant les plans du Seabird, un cotre aurique de 10,85 mètres dessiné en 1889, dix ans avant Pen Duick. Dans son chantier naval tout neuf de Bénodet, il a fait réaliser, en bronze, chaque pièce d’accastillage sur mesure. Plusieurs unités sont aujourd’hui en commande.

Avant la seconde guerre mondiale, les yachts qui venaient régater à Bénodet représentaient souvent la modernité. Dans les années 1970, avec l’avènement du plastique, ces élégantes coques ont été délaissées. Aujourd’hui cette belle plaisance ressuscite : d’anciens yachts sont restaurés et nombre de voiliers flambant neufs leur empruntent leur silhouette. Ensemble ils se sont offert une échappée résolument « belle » et tout aussi « plaisante ».

Dans le Chasse Marée par Carine Parant

* La première manifestation dénommée « Belle Plaisance » a été organisée en 1992 à Sainte-Marine à l’embouchure de l’Odet à l’initiative du Chasse-Marée, à l’origine de l’expression.

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